Vers l’Interdiction du Viol comme Arme de Guerre en Zone de Conflits
- Margaux Aubry Musseau
- 6 oct. 2021
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 nov. 2021
Depuis l’ère de la Seconde Guerre mondiale, les zones de conflits sont devenues le centre des violences sexuelles exercées par des forces armées et bandes organisées. Ces viols de femmes et de filles, mais aussi d’hommes et de garçons, ont pour but de déplacer, terroriser et punir les populations civiles.

Des femmes victimes de violences sexuelles dans un camp de déplacés près de Goma, en République démocratique du Congo, en 2013. ©HABIBOU BANGRE / AFP
L’utilisation à grande échelle des violences sexuelles s'avère efficace auprès des victimes et inclut viols collectifs, viols publics et l’insertion forcée d’armes et autres objets divers. De plus, les victimes peuvent aussi bien être des personnes âgées que des enfants et parfois même des nourrissons.
La Cour Pénale Internationale (CPI), définit plus précisément le viol de guerre en tant que «prise de possession du corps d’une personne de telle manière qu’il y a eu pénétration, même superficielle, d’une partie du corps de la victime ou de l’auteur par un organe sexuel, ou de l’anus ou du vagin de la victime par un objet ou toute autre partie du corps (…), commise par la force, par la menace de violences, contrainte, pressions psychologiques (…) au cours d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile».
Après un conflit armé violent de vingt ans, la République démocratique du Congo (RDC) peut témoigner des conséquences dévastatrices, parfois fatales, de l’utilisation du viol comme arme de guerre, avec une estimation actuelle de plus de 200.000 le nombre de femmes ayant soufferts de violences sexuelles depuis 1998. De ces actes odieux en découlent un traumatisme physique et psychologique à vie, la destruction des liens familiaux et la diffusion de maladies mortelles telles que le Sida. De ce fait, des communautés entières sont marquées profondément et à jamais.
Ainsi, à la suite de la Guerre du Darfour, les chefs de villages ont rejeté les enfants nés de viols par les Janjawids. Seuls ceux qui « se conduisent bien » pouvaient rester dans leurs villages. Cependant, discriminés et mis à l’écart, ces enfants ont souvent été violés à leur tour.
Par ailleurs, il est important de retenir que l’utilisation du viol comme arme de guerre ne connaît pas de frontières. D’après les Nations unies, les violences sexuelles font partie de l’arsenal utilisé par les autorités syriennes pour obtenir informations et « confessions » de la part de l’ennemi.
Attirer l’attention de la communauté internationale
Au Myanmar, dans l’ex-Birmanie, l’armée viole des femmes devant leur famille afin de provoquer le déplacement de villages entiers de la communauté Rohingya. Alors que l’emploi des violences sexuelles comme méthode de combat a suscité de plus en plus d’attention ces dernières années, cette dernière demeure faible et ces attaques sont rarement relayées dans les journaux.
Cependant, cette attention reste essentielle afin de supprimer l’utilisation de ces violences sexuelles comme arme de guerre. Effectivement, comme nous la démontrer le processus d’interdiction des mines antipersonnel, autre méthode cruelle de combat largement répandue dans les zones de guerre du monde entier, le premier pas pour mettre fin à l’utilisation de celles-ci a été d’attirer l’attention sur ce problème. C’est pourquoi, dans les années 1980 et 1990, les chirurgiens et les organisations médicales sur le terrain ont été les premiers à exprimer leur préoccupation à ce sujet. Ils ont ainsi réussi à créer une campagne mondiale contre l’utilisation de ces armes.
C’est donc en s’appuyant sur cette méthode similaire que des personnalités connues de la scène internationale vont s’emparer du sujet. En effet, les principaux inspirateurs du mouvement tenant à éradiquer les violences sexuelles en zones de conflits sont deux co-lauréats du prix Nobel de la paix de 2018 : le docteur Denis Mukwege, également surnommé « l’homme qui répare les femmes », est un gynécologue congolais soignant, depuis plus de 20 ans, les victimes de violences sexuelles dans son hôpital à Bukavu, au péril de sa vie. Ainsi que la militante Nadia Murad, jeune femme yézidie réduite à l’esclavage par des djihadistes de l’organisation Etat Islamique (EI) et qui est parvenue à s’enfuir. Elle est aujourd’hui devenue la porte-parole de sa communauté en exil. L’une devenue porte-parole, l’autre médecin réparateur, ils incarnent une cause planétaire qui dépasse le cadre des seuls conflits.

(Source © AP Images)
Des Conventions Juridiques Inefficaces
La deuxième étape pour l’élimination de l’utilisation des viols de guerre lors des conflits est de renforcer les normes au travers de moyens légaux et institutionnels. Selon le processus d’interdiction, les États ont besoin de développer des conventions juridiquement contraignantes, reconnues de manière quasi-universelle, afin de créer un régime de vérification. La troisième phase consistant à modifier le comportement des États en conséquence, à la suite de l’intériorisation de l’interdiction des violences sexuelles par la communauté internationale.
Néanmoins, ce processus d’interdiction est remis en cause en ce qui concerne les violences sexuelles. En mai 2017, le président Philippin, Rodrigo Duterte, a encouragé ses soldats à violer des femmes, allant jusqu’à dire qu’il en porterait la responsabilité. Par conséquent, la réponse de la communauté internationale n’a pas été à la mesure de la gravité de la situation face à une telle déclaration de la part d’un chef d’Etat.
C’est ainsi qu’en 2019, une nouvelle Résolution de l’ONU a été mis en place pour combattre le viol comme arme de guerre. Cependant, cette dernière s’avère inefficace dû au veto instauré par les Etats Unies qui ont réussi à faire retirer lors des négociations les mentions liées aux droits sexuels et reproductifs. En effet, le texte initial de la Résolution comprenait un vocabulaire sur l’aide aux victimes qui serait issu des services de planification familiale. L’administration Trump exprimant que ces termes sous-entendent un soutien à l’avortement. Ce qui a ainsi réduit fortement l’efficacité de cette résolution.
Les victimes réclament justice
Toutefois, de plus en plus de victimes sortent de l’ombre et s’expriment pour attirer l’attention sur ce problème mondial si souvent négligé. Ainsi, pouvoir leur donner une tribune et être à leurs écoute, est une étape cruciale pour éliminer les violences sexuelles en zone de conflit. C’est ainsi que les deux Nobel de la Paix ont pu mettre clairement le Conseil de Sécurité devant ses responsabilités en réclamant des progrès en matière de justice et de protection des survivants :
« Pas une seule personne n’a été traduite en justice pour esclavage sexuel », a souligné Nadia Murad en évoquant sa communauté yézidie détruite par le groupe djihadiste de l’EI en Irak et en Syrie.
« Qu’attend la communauté internationale pour rendre justice aux victimes ? », a également interrogé Denis Mukwege, en demandant la mise en place des tribunaux nationaux, mais aussi internationaux dédiés au jugement de ces coupables qui restent impunis.
Enfin, les gouvernements devront s’impliquer durablement et développer des mécanismes pour mettre fin à ces méthodes cruelles. L’engagement collectif est nécessaire pour marquer le début d’un monde où le viol comme arme de guerre n’est plus toléré. Il ne fait aucun doute que ce dernier est un instrument de conflit et que sa prévention est un élément nécessaire dans la consolidation de la paix durable.
Note et Bibliographie :
Statut de Rome de la Cour Internationale de Justice, Article 7 : « Crimes contre l’humanité »,du 17 juillet 1998, entrée en vigueur le 1er juillet 2002.
Agence des Nations Unies pour les réfugiés, « Le HCR condamne la pratique endémique du viol en RDC, et aide les victimes », Conférence de presse du 23 avril 2010 au Palais des Nations à Genève.
Organisation des Nations Unis, Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, 18 septembre 1997.
Harold Thibault, « Aux Philippines, des policiers violeurs au nom de la lutte antidrogue »,le 11 mai 2019.
Le Monde, « Les Etats-Unis refusent de laisser passer une résolution de l’ONU contre le viol comme arme de guerre », le 23 avril 2019.
France Info, « Les Etats-Unis refusent de laisser passer une résolution de l’ONU contre le viol comme arme de guerre », 25 avril 2019.
France Info, « Les Etats-Unis refusent de laisser passer une résolution de l’ONU contre le viol comme arme de guerre », 25 avril 2019.
crédit, photo de couverture <humanite.fr>
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