RDC/Rwanda : vers un possible apaisement des tensions (partie 1)

Une histoire rythmée par les guerres

La relation entre la République Démocratique du Congo (RDC) et ses voisins n’a pas toujours été au beau fixe, particulièrement avec le Rwanda. Les deux pays ont connu de nombreux points de conflit au sujet des ressources naturelles, des ethnies.

Les tensions s’embrasent lorsque le soutien américain décroissant envers Mobutu à la fin de la Guerre froide a entraîné un regain des tensions au sein du pays.

Parallèlement, l'arrivée massive de Tutsis puis d’ex-génocidaires Hutus en provenance du Rwanda exacerbe les tensions. Le génocide rwandais a pour conséquence une diaspora rwandaise très importante dans l’Est de la RDC, notamment dans la province du Nord-Kivu.

Carte de l'Est-RDC (<alteratives-economiques.fr> )

Les tensions ethniques qui avaient lieu au Rwanda se sont déportées chez son voisin. Lorsque des ex-génocidaires Hutus traversent la frontière pour continuer à perpétrer des massacres, Kigali arme les Tutsis congolais. Mobutu, en perte d’influence, voit l’intervention rwandaise d’un mauvais œil et ordonne à tous les Tutsis de quitter le pays. C’est ainsi que débute la Première Guerre du Congo (1996-1997). Elle est remportée par Laurent Désiré Kabila, le chef des AFDL, groupe tutsi soutenu par Kigali.

Une fois au pouvoir, Kabila se retourne contre ses anciens alliés et la Seconde Guerre du Congo (1998-2003) éclate. Si la RDC et le Rwanda signent un accord de paix en 1999 (accord de Lusaka), les conflits armés ne cessent pas.

Depuis cette date, la guerre entre les deux pays se transforme. D’un conflit armé né une guerre non-conventionnelle menée dans le Kivu. Dans cette province de l’Est-RDC, s’affrontent différents groupes armés.

Toutefois, la présence de ces groupes paramilitaires n’est pas sans lien avec les tensions rwando-congolaises.

Une possible paix avec le Rwanda ?

Toutefois, un rapprochement entre Kinshasa et Kigali semble s’opérer. Depuis l’élection de Félix Tshisekedi en décembre 2018, les relations se réchauffent. Les deux pays souhaiteraient même collaborer dans une politique sécuritaire visant à enrayer l’insécurité au Kivu et en Ituri.

Cette opération inattendue ne fait pas mouche auprès de la population et des observateurs internationaux. Et cela en raison d’un changement de politique trop brusque et des déclarations qui ne vont pas dans le sens d’une justice réparatrice.

Paul Kagame et Félix Tshisekedi main dans la main (source : <cas-info.ca>)

En effet, Paul Kagamé, président du Rwanda, a créé la controverse en niant les crimes commis par des ressortissants rwandais dans l’Est-RDC. Il réfute le rapport Mapping de l’ONU qui recense plus de 600 crimes graves commis sur le sol congolais entre 1996 et 2003. Ce rapport reporte des crimes de guerre, des crimes contre l’Humanité et une possible condamnation pour génocide. Prétendant détenir des rapports prouvant l’inverse, Paul Kagamé dénonce une conspiration internationale en faveur de la RDC en créant des rapports éminemment politiques. Toutefois, ses propos ont fait scandale en RDC et dans toute la communauté internationale si bien que Kigali ait dû s’excuser.

Cependant, les autorités congolaises sont restées silencieuses à ce sujet. Martin Fayulu, chef de l’opposition, s’est insurgé devant les propos du Président rwandais et la non-réaction du Président congolais : « … les Congolais se font narguer du fait de l’absence d’un leadership légitime et fort à la tête du pays ».

L’unique réponse du Président congolais était d’attendre que la justice fasse son travail et qu’il œuvrait pour la paix, main dans la main avec Paul Kagamé. Cette déclaration crispe d’autant plus la population qui voit ces déclarations comme un manque de respect pour les victimes et leurs familles. En effet, les rapports du Conseil de Sécurité mentionnent toujours de nombreux crimes commis par des ressortissants rwandais sur la population congolaise au Congo.

La non-réaction du gouvernement face à cela, le fait que le Président congolais présente son homologue comme son « ami » malgré les relations houleuses des deux pays, interrogent sur cet inattendu changement de perception.

Alors que les relations rwando-burundaises et rwando-ougandaises se détériorent, les relations rwando-congolaises, quant à elles, s’améliorent depuis l’élection de Félix Tshisekedi. Bien que ces pays étaient jusqu’alors ennemis et se faisaient la guerre (les deux guerres du Congo entre 1996 et 2003), désormais, ils décident de collaborer ensemble. Juste après son élection, Paul Kagamé envoie une mission diplomatique à Kinshasa, car il conteste le résultat des élections. Cependant, il profite de cette opportunité pour se rapprocher de ce nouveau président et fait extrader deux cadres des FDLR qui étaient retenus prisonniers. L’Union Africaine et les observateurs internationaux s’inquiètent de ce brusque rapprochement. Le 8 décembre 2019, une photo fait scandale : celle de Paul Kagamé et Félix Tshisekedi main dans la main. De fait, la population congolaise se crispe de plus en plus, considérant comme un affront cette entente soudaine.

Retrouvez les différents groupes dissidents dans l'Est-Congo et les tensions rwando-congolaises qui sous-tendent la région dans la deuxième partie de cette analyse, à venir prochainement.

Photo de converture : @MONUSCO <twitter.com>