top of page

L’Eurasie : un nouvel espace géopolitique ? | Partie 1

  • Photo du rédacteur: Jeanne Pasadovic
    Jeanne Pasadovic
  • 21 avr. 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 7 juil. 2021

L’Eurasie, un impensé géographique au potentiel géostratégique attrayant.


Si nous avions à photographier les dynamiques de puissance à l’échelle mondiale, nous pourrions constater que nous vivons dans un monde globalisé régi par l’économie de marché où les Etats-Unis y sont la première puissance mondiale. Cependant cette disposition change. En effet, l’arrivée de nouveaux compétiteurs comme la Chine bouleverse les équilibres.


Cette arrivée remet en cause l’hégémonie américaine à travers le monde. Cette contestation s’accompagne d’un phénomène de transition de puissance qui s’opère de l’Occident vers l’Asie de l’Est faisant renaître des tensions impérialistes. Loin des prédictions d’un monde en paix, la peur d’un piège de Thucydide se ressent.


Le « déclin » étasunien s’observe par une impasse économique depuis la crise de 2008 et un retrait international de plus en plus visible. Mais c’est à partir de la crise Covid de 2020 que l’écart entre les deux pôles de puissances devient flagrant. Si la crise de 2008 a été difficile pour le monde entier, la crise Covid, quant à elle, a été plus dévastatrice en Occident qu’en Asie du Sud-Est. Cette crise actuelle montre clairement la transition de puissance en cours.


A la chute de l’URSS, divers politologues se sont interrogés sur le devenir des États-Unis. Si Fukuyama dans La fin de l’Histoire voyait un monde unipolarisé et Kissinger prévoyait un choc des civilisations avec le monde musulman ou la Chine, Brzeziński, quant à lui, mettait en garde contre le potentiel eurasiatique. Prévoyant une persistance d’une menace russe malgré l’effondrement du communisme, il voyait en l’Eurasie une importance stratégique de premier plan.


En effet, il prédit que celui qui contrôlera l’Eurasie deviendra la première puissance mondiale devant les États-Unis. Le continent concentre une bonne partie de la population mondiale, des capacités industrielles ainsi que des ressources énergétiques. « Qui contrôle l’Eurasie, contrôle le monde ».


Cette prédiction n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. En effet, la Chine et la Russie, qui ravivent une rivalité avec les États-Unis, s’appuient sur des projets eurasiatiques qui leur permettraient de contrôler en partie l’immense continent.



Un espace géographique entre rupture et continuité



L’Eurasie est un impensé géographique. En effet, habituellement le monde est découpé en cinq grands continents (Europe, Afrique, Amérique, Asie et Océanie). Cependant, si les limites de l’Amérique et de l’Afrique sont admises pour tous, celles de l’Europe et de l’Asie, quant à elles, ne font pas l’unanimité.



Carte représentant l’Eurasie (Source : la Tribune Diplomatique Internationale)


Si l’Eurasie n’existe pas en tant que continent, c’est qu’il n’est pas pensé comme tel dans l’imaginaire collectif. Autrement dit, il n’existe pas un sentiment culturel d’appartenance eurasiatique. On est européen ou on est asiatique mais pas les deux. Seule la Russie et la Turquie, qui se situent à la frontière géographique entre l’Orient et l’Occident, ont développé une identité nationale eurasiatique. Mais ils se définissent comme la transition entre deux mondes plutôt qu’au centre d’un continent.


Historiquement, l’Eurasie a connu des formations d’empires dus à des invasions venant de l’Est comme de l’Ouest. Mais il n’y a jamais eu d’empire s’étendant sur tout le continent car les différents empires se bloquaient mutuellement. Classiquement, trois grands empires qui ont formé trois aires géographiques se distinguent : l’empire romain (Europe), l’empire perse (Moyen-Orient) et l’empire chinois (Asie). La formation de ces empires a permis la sécurisation du commerce notamment autour des routes de la soie.


Néanmoins, ces empires ne se sont pas construits indépendamment. Il y a également une continuité culturelle. En observant les mouvements des tribus turco-mongoles, on remarque qu’ils sont à l’origine de la dynastie de Yuan en Chine, de la prise de l’Anatolie et du début de l’empire Ottoman ainsi que de prise de l’Iran. Ils envahissent également la Russie et l’Europe sous le nom des Huns.



Les anciennes routes de la soie (Source : France Culture)


Elisée Reclus distingue l’Occident de l’Orient géographiquement. L’Orient est une zone en relief peu peuplée. Cette distinction se ferait autour d’un milieu qu’on nomme Moyen-Orient. Il y aurait une discontinuité géographique (avec des frontières naturelles telles que l’Himalaya, la Sibérie ou le Sahara) mais aussi une discontinuité culturelle et religieuse notamment autour de la Mer Noire.


La dislocation de ces empires et l’avènement des Etats-Nations ont vraiment mis un terme à la représentation d’un continent eurasiatique. Des conflits autour de la délimitation des frontières embrasent certaines zones du continent : le Cachemire, la Palestine/Israël, l’Ukraine, l’Afghanistan/Pakistan, la mer de Chine méridionale, le Caucase (Daghestan, Tchétchénie, Ossétie et Abkhazie).


Néanmoins, il existe également une continuité à travers le territoire grâce à des partenariats commerciaux. C’est le cas avec le gazoduc NorthStream II qui relie la Russie à l’Union Européenne mais aussi Power of Siberia qui assure la distribution du gaz de la Russie vers la Chine. Également, la Chine rattache de plus en plus l’Asie orientale à l’Europe occidentale avec son projet des nouvelles routes de la soie.



North Stream II (Source : le Monde)



Le pouvoir de la Sibérie. (Source : Gasprom.com)



Retrouvez l'importance de la Russie et de la Chine dans la création d'une identité eurasiatique dans la deuxième partie de cette analyse, à venir prochainement.




Comments


Merci de votre inscription ! Vous recevrez bientôt l'analyse géopolitique dans votre boîte de réception.

  • LinkedIn
  • Twitter
bottom of page