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Rupture Obama-Trump : quel avenir pour l'Amérique Latine sous la présidence Biden ?

  • Photo du rédacteur: Eduardo Pliego
    Eduardo Pliego
  • 8 août 2021
  • 7 min de lecture


Les présidents Barack Obama et Donald Trump à la Maison Blanche (Source : LeParisien)


La transition de l’administration du président Obama vers l'administration du président Trump a marqué une rupture stratégique importante sur le continent américain. Nous observons ainsi le changement de posture de l’intégration libérale et du panaméricanisme mise en place par le président Clinton, et suivi par le président Obama, vers l’Offshore Balancing, adopté par l’administration Trump, ayant comme caractéristique principale l’abandon de tout engagement considéré inutile pour le pays nord-américain.


En effet, pendant longtemps, la région de l’Amérique latine est considérée comme une zone de faible importance géostratégique pour les intérêts étasuniens. A partir des années quatre-vingt-dix et avec la fin de la Guerre Froide, les efforts sécuritaires nord-américains consistent notamment dans l’intégration économique de la région et avec cela, l’abandon de la sécurisation hémisphérique adoptée pendant tout le conflit bipolaire de l’époque. Certes, avec la fin de la Guerre Froide lors de l’administration Clinton, le pays du Nord abandonne sa politique de l’« endiguement » -mise en place pour faire face à l’influence de l’URSS dans le monde-, en adoptant sa nouvelle posture qui marquerait le nouveau biais de la sécurité dans le continent, l’« engagement ».


Avec la défaite du communisme et l’hégémonie américaine assurée, non-seulement sur le continent américain, sinon dans le monde entier, une nouvelle ère pour la sécurité internationale s’ouvre. Les nouvelles menaces sur le continent occidental ne sont plus de caractère conventionnel et étatique. Bien au contraire, les enjeux deviennent principalement irréguliers et asymétriques, en demeurant comme menaces conventionnelles uniquement quelques Etats : « les Etats voyous ».


De ce fait, avec le capitalisme et le modèle américain victorieux, la nouvelle stratégie de sécurité pour le continent prévoit une intégration économique avec une approche multi-domaine au niveau de l’agir des forces armées tantôt Américaines comme Latino-Américaines. En effet, afin d’accomplir le premier objectif d’intégration économique sur le continent, l’administration du président Clinton décide de mettre en place l’Accord de Libre Echange Nord-Américain – ALENA. Celui-ci a pour principal objectif l’intégration économique, militaire et culturelle du Canada, du Mexique et des Etats-Unis. L’accord permet alors d’assurer la stabilité et la sécurité dans la région, en créant des intérêts communs parmi les trois pays. En effet, l’administration Clinton met en place une stratégie de sécurité différente à celle appliquée pendant la Guerre Froide sur le continent Américain.


De l’hégémonie libérale à l’offshore balancing en Amérique latine.



Carte des pays d'Amérique du Sud ayant connu un épisode de crise en 2019. (Source : ACLED)


En effet, pour mieux comprendre ce clivage stratégique entre les administrations Obama-Trump, nous devons d’abord comprendre la différence entre l’hégémonie libérale et l’Offshore balancing. Le théoricien néoréaliste John J. Mearsheimer, créateur du concept du réalisme offensif dans son article intitulé « Offshore Balancing : une Stratégie Globale plus Efficace pour les Etats-Unis », nous propose une vision néoréaliste du système mondial actuel. Dans cette vision, la sécurité entre Etats ne dépend pas de la nature humaine comme pour le postulat évoqué dans Le Léviathan, de Thomas Hobbs et par les réalistes classiques de l’époque, sinon que la paix et la stabilité dépendent des hégémonies dans le système monde. Il décrit alors le système international comme anarchique et précise que l’objectif ultime de l’Hégémon est d’augmenter sa puissance. Plus précisément, pour l’auteur, les Etats-Unis cherchent à assurer d’abord une hégémonie régionale voire continentale en Amérique pour faire face aux défis internationaux et à la projection stratégique de la Chine dans tous les coins du globe.


Pour comprendre les concepts de l’Hégémonie libérale et de l’Offshore Balancing, il faut tout d’abord comprendre la vision néoréaliste du système monde actuel. Pour les néoréalistes, les acteurs centraux des Relations Internationales sont les Etats. Ceux-ci sont souverains et leurs intérêts principaux résident dans la politique, la stratégie, l’économie et la technologie. Les néoréalistes considèrent que les acteurs sont toujours en concurrence, et que la paix dépend d’un équilibre de puissance au travers d’un Hégémon, en respectant un statu quo comme vision prospective du système international.


Dans ce sens, John J. Mearsheimer, nous explique que la clé du succès du système monde hégémonique réside dans l’application du pouvoir par les Etats hégémoniques régionaux et que la stabilité est alors une correcte distribution du pouvoir par ces Etats. Pour ce propos, il nous propose deux voies d’application du pouvoir hégémonique par les Etats-Unis. La première prévoit l’Hégémonie libérale, laquelle, d’après l’auteur, promeut la vision d’une domination américaine de présence projetée à l’extérieur pour maintenir l’ordre mondial. Dans un premier temps, il nous indique que dans l’hégémonie libérale :


« Les États-Unis doivent utiliser leur pouvoir non seulement pour résoudre les problèmes internationaux, mais également pour promouvoir un ordre mondial qui repose sur les institutions internationales, les gouvernements représentatifs, les marchés ouverts ainsi que le respect des droits de l’Homme. Les États-Unis définis, d’après cette logique comme la « nation indispensable », ont le droit, la responsabilité et la sagesse de gérer virtuellement les politiques locales partout dans le monde. Au fond, l’hégémonie libérale est une stratégie globale révisionniste : au lieu de cantonner les États-Unis à un rôle limité à la préservation de l’équilibre des puissances dans certaines régions stratégiques, elle engage la puissance américaine à promouvoir la démocratie dans le monde entier et à défendre les droits de l’Homme dès qu’ils se retrouvent menacés. »


Ensuite, la deuxième voie d’application du pouvoir hégémonique qu’il évoque est l’« Offshore Balancing ». Il précise alors que :


« L’« Offshore Balancing » est une stratégie globale réaliste avec un nombre d’objectifs limités dont la promotion de la paix, si souhaitable soit-elle, ne fait pas partie. Évidemment, cela ne sous-entend pas que les États-Unis doivent se réjouir de la perspective de conflits où que ce soit dans le monde, ou qu’ils ne puissent pas recourir à des moyens diplomatiques ou économiques afin d’empêcher la guerre. Néanmoins, ils ne devraient pas avoir à engager leurs forces militaires à cette seule fin.»


Pour l’Hégémonie libérale, il existe des antécédents en Amérique latine, déjà sous l’Administration Clinton, avec sa stratégie de politique de démocratisation du marché et de l’engagement de la diffusion de la démocratie ailleurs.


Les différentes doctrines selon les présidences


Quant à la doctrine Bush, la posture de la guerre préventive est mise en avant. Ainsi, pour l’Amérique latine, plus précisément pour le Mexique, « L’Alliance pour la Sécurité et la Prospérité pour l’Amérique du Nord [Notre traduction] » ainsi que le Le Plan Mérida sont érigés. Ces deux représentations stratégiques américaines auprès du Mexique ont pour but de renforcer la sécurité de la région et d’établir des stratégies conjointes pour combattre les nouvelles menaces comme le narcotrafic et le terrorisme. D’autre part, « Le Plan Mérida » prévoit pour la première fois un réarmement du Mexique par les Américains afin de faire face à ces menaces.


En ce qui concerne l’administration Obamienne, l’objectif stratégique sur le continent est principalement le renforcement de la sécurité nationale au travers d’une économie ouverte et par la promotion des valeurs démocratiques à l’extérieur. De telle manière que la continuité de l’intégration économique du continent Américain et la posture du State Building, au travers de la promotion des valeurs américaines sont la clé de voûte de cette administration. Enfin, dans cette administration il y a une continuation du projet libéral et d’intégration panaméricaine mis en place par les administrations Clinton et Bush.



Le président des Etats-Unis Joe Biden. (Source : France 24)


De ce fait, nous pouvons dire que l’administration Trump, à la différence de celle de ses prédécesseurs, est caractérisée pour la stratégie de l’Offshore Balancing. Cela signifie principalement que les États-Unis renonceraient à leurs ambitieux efforts de remodeler les autres sociétés afin de se concentrer sur l’essentiel, maintenir leur domination dans l’hémisphère occidental. Dans ce contexte, les Etats-Unis encourageraient les autres pays à contrôler eux-mêmes les puissances émergentes dans leur région et n’interviendraient qu’en cas de nécessité. Enfin, cette approche, dont la promotion de la paix n’est pas l’objectif principal, n’écarte pas l’usage de la force conventionnelle accompagnée de mesures diplomatiques et économiques afin de résoudre les crises internationales.


De cette manière, nous pouvons trouver un exemple plus clair de l’application de l’Offshore Balancing en Amérique latine par l’administration Trump, pendant la montée de la crise du Venezuela. En effet, cette administration a supporté ouvertement l’auto-proclamation du président Juan Guaido comme président légitime du pays sud-américain. L’administration avait prévu l’utilisation de la force conventionnelle si nécessaire pour résoudre la situation par la Colombie. Également, en Bolivie, le support américain pour la présidente auto-proclamée Jeanine Anez, remplaçant le président Evo Morales, événement qualifié par quelques États latinoaméricains comme un coup d’état, en est un autre exemple.




Quel avenir pour l’Amérique latine dans l’administration Biden ?


Finalement, la rupture stratégique entre ces deux administrations laisse une instabilité palpable en Amérique latine, surtout quant au changement d’approche stratégique dans la stabilisation des relations cubano-américaines mise en place par l’administration Obama et annulée ultérieurement par l’administration Trump. Sans doute, l’administration Trump laisse un épisode paradoxal dans l’histoire moderne des relations entre les Etats-Unis et l’Amérique latine, dont les conséquences, qu’elles soient positives ou négatives, sont actuellement méconnues pour le continent occidental.


Avec l’analyse des administrations précédentes, nous pouvons dire que l’administration du président Joe Biden nous anticipe par sa posture démocrate, une continuation du projet du président Barack Obama et de l’Hégémonie libérale sur le continent Américain. Ainsi, et à un peu plus de cent quatre-vingts jours du début de son administration, nous pouvons attendre un changement d’approche surtout auprès des états latinoaméricains considérés révisionnistes (Venezuela, Nicaragua et Cuba), ou en tout cas, une approche moins hostile que celle dans l’Administration du président Trump.




Bibliographie.

The White House, « National Security Strategy Engagement and Enlargement », Washington D.C, US Gouverment Printing Office.


The White House, « National Security Strategy », Washington D.C, US Gouverment Printing Office.


« Qui sont les Etats voyous ?»,Iris.

John J. Mearsheimer et Stephen, M. Walt « Offshore Balancing : une Stratégie Globale plus Efficace pour les Etats-Unis », Armand Colin, Revue internationale et stratégique, 2017/1 N°105, p. 18-33.

Diane Ethier, Introduction aux Relations Internationales, Montréal, les presses de l’Université de Montréal, 2006, p. 72.

Servicio de Investigación y Análisis, « Alianza por la Seguridad y la Prosperidad de América del Norte » México, Subdirección de Politica Exterior.

U.S. Department of State, « Merida Initiative » Bureau of International Nnarcotics and Law Enforcement Affaires.

The White House, « National Security Strategy », Washington D.C, US Gouverment Printing Office.











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